Zazà de Ruggero Leoncavallo. « Fascinant ! Un must à redécouvrir urgemment ». CD Bongiovanni

Avec Lisa Houben, Lucia Mastromarino, Annalisa Scano, Susanna Branchini, Gaia Hubbard, Sergio Panajia, Barry Anderson, Domenico Balzani, Daniele Gianini, Valerio Marchetti, Jean-François Vinciguerra, Michelangelo Iachetti, Enrico Stinchelli, Maria Debora Farina.
Chœur et Orchestre Philharmonique de Rome : Silvano Frontalini.
Durée : 2h28. CD Bongiovanni. www.bongiovanni70.it/

À l’heure où l’on voit fleurir Pagliacci de Leoncavallo et Cavalleria rusticana de Mascagni de ci de là comme au Lyric Opera of Chicago avec une distribution cinq étoiles sous la direction de Enrique Mazzola, Opéra National de Montpellier, Opéra de Dijon… Pourquoi Zaza reste-t-elle silencieuse ? Un mystère ! Pourtant Zaza demeure l’un des meilleurs ouvrages lyriques du compositeur napolitain, auteur de neuf opéras et de plusieurs d’opérettes.

Ruggero Leoncavallo (1857-1919) fait parti de la Giovane Scuola avec Puccini, Cilea, Mascagni... Pagliacci peut être considéré comme un des manifestes du vérisme et lui apporte un succès international toujours valable aujourd’hui. Il vécut à Paris où il fût l’ami de Jules Massenet et du baryton Victor Maurel. L’histoire s’inspire d’une pièce française au succès indéniable de 1898. Elle sera même portée au cinéma de nombreuses fois. Elle raconte la liaison de Zaza, chanteuse de music-hall française avec son amant Milio. Elle décide de le quitter lorsqu’elle découvre qu’il est marié. L’œuvre sera créée à Milan sous la direction d’Arturo Toscanini. Elle sera jouée pendant une vingtaine d’année dans les plus grands opéras du monde. L’ouvrage est imprégné de l’esprit du music-hall français dont le compositeur est un amoureux inconditionnel. Zaza est une œuvre d’une grande subtilité alternant des moments passionnels d’une intensité rare et d’instants plus légers et comiques. Zaza recèle d’arias et duos d’une beauté indicible. Durant les différents échanges entre les personnages, le réalisme du chant est une recherche constante chez le compositeur de calquer le parler. On songe au recitativo dans la tradition italienne ou peut rappeler le sprechgesang si cher à Wagner, Strauss ou Schoenberg.

Il existe plusieurs enregistrements de Zaza. L’iconique label italien Bongiovanni détient le meilleur enregistrement de cet opéra. La soprano lyrique dramatique américaine et hollandaise, Lisa Houben est une Zaza de rêve. Le timbre de velours et solaire est somptueux sur tout le registre. Toutes les nuances requises y sont. Tragédienne née, elle offre une Zaza qui nous entraine aux confins de la passion. Elle nous tire les larmes à chaque instant jusqu’à son ultime Tutto e finita. L’interprète ici est un océan d’humanité. La scène entre Zaza et Toto de Maria Debora Farina dont le parler fonctionne à merveille est une leçon de Théâtralité. Quant on songe au nombre de langues qu’elle maîtrise parfaitement, on reste sans voix. Sergio Panajia est un ténor valeureux dans la grande tradition de l’école de chant italienne. Il est un Milio aux intonations justes et ardentes. Le phrasé est intelligible. Le Cascart du baryton australien, citoyen italien, Barry Anderson est parfait en ami et amoureux transi. Quel ligne de chant et engagement ! L’air de Floriana à l’acte 1 de Annalisa Scano est bien chanté dans l’esprit des cafés concerts de l’époque. L’Anaide de Lucia Mastromarino est exemplaire comme le reste de la distribution. L’ensemble de la distribution retranscrit l’atmosphère, l’élan, les sauts des humeurs et des cœurs des différents personnages. On est subjugué.

Chœur et Orchestre Philharmonique de Rome sont époustouflants sous la direction de Silvano Frontalini. Sa direction est brillante, alerte, attentive à chaque détail et couleurs d’une partition exigeante. Il met en relief toutes les finesses d’un style de musique très spécifique. Il transcende le vérisme musical avec une authenticité qui lui est propre. On connaît son engagement pour la redécouverte d’un patrimoine musical italien injustement oublié. Zaza renaît de ses cendres et s’impose comme une œuvre incontournable de cette époque musicale. Découvrir Zaza cultive notre âme d’aventurier.
Fascinant ! Un must à redécouvrir urgemment.
Serge Alexandre